Civilités !
Le Sénégal est la plus vieille démocratie d’Afrique mais c’est un pays aux pratiques aux antipodes de l’expression démocratique. C’est d’autant plus paradoxal qu’il a réussi deux alternances pacifiques. Que peuvent bien faire d’illégal une dizaine de personnes qui décident de marcher pour un droit inscrit dans la Constitution ? En quoi leur manifestation peut-elle déranger un pouvoir ou l’affaiblir ?
Pendant qu’on interdit systématiquement à certains d’élever la voix, d’autres nous tympanisent sans autorisation. Ils mobilisent des foules pendant les jours ouvrables sans avoir déposé une demande d’autorisation. Depuis quelques jours, des responsables politiques de la formation au pouvoir se payent de larges minutes de publicité dans les médias audiovisuels, appelant les foules à sortir accueillir le Chef qui sera dans le Fouta pour une tournée « économique ». Electoralo-maraboutique plutôt !
Et il est fort à parier qu’aucun d’entre eux n’a déposé auprès des préfectures une demande de rassemblement. Pour une tournée économique, donc technique, à quoi bon ameuter des gens qui auraient dû être sur leurs lieux de travail (s’ils ont du travail, bien sûr !) ? Des rassemblements qui seront bien encadrés par la police. Il faut que celle-ci civilise ses rapports avec les citoyens en cessant d’user d’une violence inutile.
Le film de l’arrestation de l’activiste Kilifeu montre qu’il y a quelque part de l’abus. Il n’a posé aucun acte de rébellion. Sa révolte a plutôt consisté à dire aux forces de l’ordre d’arrêter de jeter leurs lacrymogènes car elles avaient en face d’elles des frères. La poignée de jeunes qui faisait face aux forces de l’ordre n’avait apparemment pas besoin d’une réponse aussi énergique. Les autoriser à marcher aurait plutôt renforcé notre jadis belle démocratie chaque jour balafrée depuis quelques années, hélas…
Il faut cesser de donner l’impression que, dans ce pays, seuls le Chef et son clan de flagorneurs ont le droit de se rassembler. Avec la Covid – 19, les immenses foules payées pour faire croire au Chef qu’il est dans les cœurs font plus de mal que la bande à Kilifeu qui était à Kaolack.
KACCOR BI, Le Témoin
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