Brésil: l’ex-président Bolsonaro soupçonné de «participation active» à un projet de coup d’État

Selon un rapport de police publié ce mardi 26 novembre, l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro a « participé activement » à un projet de coup d’État pour se maintenir au pouvoir en 2022 et avait « pleinement conscience » d’un plan d’assassinat de son successeur Lula.

Le rapport est accablant pour Jair Bolsonaro. Selon le document de 884 pages rendu public ce mardi, l’ex-président brésilien « a planifié (…) et a pris part de façon directe et effective aux actes d’une organisation criminelle qui avait pour objectif un coup d’État qui n’a pas eu lieu en raison de circonstances allant contre sa volonté ». « Les éléments de preuve obtenus tout au long des investigations » sont « sans équivoque », insiste le rapport de police. Selon les enquêteurs, le plan de coup d’État  aurait « avorté » en raison du manque de soutien de la part des principaux commandants de l’armée brésilienne.

Jair Bolsonaro, 69 ans, a toujours clamé son innocence et s’est dit à plusieurs reprises victime de « persécution politique ». « Le terme « coup d’État » n’a jamais fait partie de mon lexique », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse lundi 25 novembre. Mais les enquêteurs assurent que Jair Bolsonaro avait « pleinement conscience » et avait « participé activement » aux « actes clandestins visant à abolir l’État de droit démocratique ».

Selon le rapport, l’ancien chef de l’État avait également « pleinement conscience » de l’opération « Poignard vert et jaune » qui visait à assassiner Lula, son vice-président élu Geraldo Alckmin et le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes après l’échec du dirigeant d’extrême droite dans sa tentative de réélection face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, en poste depuis le 1ᵉʳ janvier après sa victoire au second tour de l’élection fin octobre 2022.

La semaine dernière, une opération policière liée à cette vaste enquête s’était soldée par l’arrestation de quatre militaires et d’un policier, soupçonnés d’avoir fomenté le plan de triple assassinat, qui devait être perpétré avant l’investiture de Lula. Selon les enquêteurs, un document détaillant le modus opérandi, qui citait l’empoisonnement parmi les méthodes envisagées, a été imprimé par un des suspects au palais présidentiel de Planalto. « Je dois être très reconnaissant puisque je suis en vie. La tentative de nous empoisonner, moi et Alckmin, n’a pas marché », avait déclaré Lula jeudi dernier lors d’une cérémonie officielle.

Mais la Police fédérale estime que les velléités de l’ex-président d’extrême droite et de ses proches collaborateurs ont été mises en évidence bien avant le scrutin de 2022. Le rapport d’enquête évoque notamment une réunion le 5 juillet de cette année-là, en présence de Jair Bolsonaro, où il aurait été question de « disséminer des informations sciemment non véridiques » visant discréditer le système d’urnes électroniques utilisé lors des élections brésiliennes. La Police fédérale fait également état de la « participation de Jair Bolsonaro » dans l’élaboration d’un projet de décret visant à convoquer de nouvelles élections et à faire arrêter le juge Moraes, président du Tribunal supérieur électoral (TSE) lors de la présidentielle.

Un putsch évité de justesse

Le coup d’État n’a finalement pas eu lieu, car l’armée s’est divisée sur la question : si la Marine était prête à aller de l’avant, les chefs d’État-major de l’Armée de terre et de l’Aviation ont refusé de s’associer à la tentative de coup d’État, et ont fait preuve de loyalisme, relate notre correspondant à Sao Paulo, Martin Bernard.
En revanche, les institutions brésiliennes ont été ébranlées le 8 janvier 2023 lorsque des milliers de sympathisants bolsonaristes ont saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia. Jair Bolsonaro, qui se trouvait alors aux États-Unis, fait en outre l’objet d’une enquête visant à déterminer s’il a joué le rôle d’instigateur de ces émeutes.
Le rapport de police a été envoyé au bureau du procureur de la République Paulo Gonet, qui doit à présent décider s’il donne suite à la demande d’inculpation de la Police fédérale visant l’ex-président et 36 autres personnes, notamment des militaires. Interdit de quitter le Brésil depuis février, Jair Bolsonaro est inéligible jusqu’en 2030 pour désinformation sur le système d’urnes électroniques utilisé lors du dernier scrutin. S’il espère faire annuler sa condamnation avant l’élection de 2026, la campagne menée par son camp en vue d’une amnistie semble compromise au vu de ce rapport accablant de la police fédérale.

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