Pourquoi les jours s’allongent à cause du réchauffement climatique
La fonte des glaces causée par le réchauffement climatique a un effet de plus en plus important sur la vitesse de rotation de la Terre qui détermine la durée d’une journée, selon une nouvelle étude parue lundi. Un phénomène qui affecte même la position des pôles et l’axe de rotation de la Terre.
Il y a le temps qu’il fait et le temps qui passe. Et dans les deux cas, le réchauffement climatique intervient. L’impact du phénomène sur le thermomètre et les dérèglements climatiques est largement admis, commenté et au cœur de la lutte pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais il joue aussi sur la durée d’une journée, a démontré une équipe de scientifiques de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zürich), dans une étude publiée lundi 15 juillet par la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas).
Des jours plus longs d’1,33 milliseconde par siècle
Le réchauffement climatique allonge la durée d’une journée d’environ une milliseconde par siècle ont constaté ces chercheurs. Plus précisément, « nos travaux démontrent qu’entre 1902 et 2000, il fallait ajouter entre 0,3 et 1 milliseconde par siècle à la durée des jours à cause de l’effet du réchauffement climatique. Depuis le début des années 2000 et l’accélération du phénomène, son impact est plutôt d’1,33 milliseconde en plus par siècle », résume Mostafa Kiani Shahvandi, géologue à l’ETH Zürich et coauteur de cette étude.
L’effet est, en fait, indirect. C’est l’accélération de la fonte des glaces qui va agir sur la vitesse de rotation de la Terre et donc sur la durée d’une journée. Comment ? En disparaissant petit à petit, mais de plus en plus vite, les glaciers laissent échapper des eaux qui vont se déplacer vers l’équateur. Ce mouvement va ralentir la vitesse de rotation de la Terre qui va prendre un tout petit peu plus que 86 400 secondes (24 heures) pour tourner sur elle-même.
La fonte des glaces et le déplacement des eaux agit sur la vitesse de rotation de la Terre à la manière… d’une patineuse artistique. « C’est l’image classique utilisée pour expliquer le théorème du moment cinétique : quand une patineuse garde ses bras proches du corps, elle tourne plus vite, lorsqu’elle les écarte, elle va tourner plus lentement », explique Mostafa Kiani Shahvandi. Dans le cas de la rotation de la Terre, les eaux issues de la fonte des glaces aux pôles et se déplaçant vers l’équateur produisent le même effet que celui de la patineuse qui écarte ses bras pendant qu’elle tourne pour ralentir.
Mostafa Kiani Shahvandi et ses collègues ne sont pas les premiers à suggérer que la fonte des glaces influe sur la longueur d’une journée. En mars 2024, Duncan Carr Agnew, un géophysicien en Californie, avait souligné cet effet. Mais « nos conclusions suggèrent que l’effet du réchauffement climatique sur la durée du jour est encore plus fort », affirme Mostafa Kiani Shahvandi.
Cependant, le réchauffement climatique n’est pas seul responsable du rallongement des jours. L’effet des émissions de gaz à effet de serre est même encore inférieur à celui d’autres facteurs qui influent sur la vitesse de rotation de la Terre, à commencer par la Lune.
Attraction de la Lune
L’astre naturel de notre planète exerce une subtile attraction gravitationnelle sur les océans terrestres. Les eaux vont avoir tendance à vouloir se déplacer dans le sens du mouvement de la Lune, exerçant ainsi une pression dans le sens inverse de celui de la rotation de la Terre. De quoi, là aussi, ralentir la vitesse de rotation de notre globe.
« Il faut bien se rendre compte qu’à l’ère du Néoprotérozoïque, on estime qu’une journée durait 19 heures », souligne Mostafa Kiani Shahvandi. C’était il y a plus de 542 millions d’années. Mais « encore aujourd’hui, l’effet de la Lune sur la durée d’une journée est plus important que celui de la fonte des glaces puisqu’il ajoute 2,4 millisecondes par siècle », précise le géologue.
L’activité humaine donne un sérieux coup d’accélérateur à cette tendance. En effet, l’allongement « naturel » des jours a pris des millions d’années, tandis que l’impact de l’homme s’est fait de plus en plus sentir en moins de deux siècles. Si rien n’est fait pour ralentir la trajectoire du réchauffement climatique « d’ici 2100, l’influence de la fonte des glaces sur la durée d’une journée dépassera celle de la Lune », assure Mostafa Kiani Shahvandi.
Il n’est cependant question que de quelques millisecondes en plus à nos 24 heures traditionnelles et le chercheur de l’ETH Zürich reconnaît que l’impact direct sur nos vies sera imperceptible.
L’axe de rotation de la Terre se déplace
Si l’activité humaine rallonge nos jours, elle affecte aussi l’endroit où se trouve le pôle Nord et l’axe de rotation de la Terre. C’est la même équipe de l’ETH Zürich – cette fois-ci en collaboration avec des chercheurs du GFZ-Potsdam, le centre de recherche allemand consacré aux sciences de la Terre –, qui l’a démontré dans une étude publiée par la revue Nature Geoscience quelques jours plus tôt, le 12 juillet.
« C’est la première fois que nous parvenons à démontrer la corrélation entre divers phénomènes liés en partie au réchauffement climatique et le déplacement de l’axe de rotation de la Terre », assure Harald Schuh, expert en géodésie (étude de la forme, des dimension et de la rotation de la Terre), qui a contribué à l’étude publiée par Nature Geoscience.
Il était en effet possible jusqu’à présent de constater que le pôle Nord se déplace vers le Canada et l’Alaska, mais la communauté scientifique se perdait en conjectures sur les causes de ce mouvement. « Nous avons étudié cinq ou six effets qui nous ont permis de recréer un modèle qui correspond à 95 % à ce qu’on peut observer sur le terrain sur le long terme », s’enthousiasme Harald Schuh.
Là encore, la fonte des glaces joue un rôle important. Mais cette fois-ci pas seulement celle provoquée par l’actuel réchauffement climatique. « On ressent encore les effets liés à la fonte des glaces à la sortie de la dernière période glaciaire [il y a plus de 115 000 ans, NDLR] », assure Harald Schuh. Il est d’ailleurs bien plus important que l’effet lié aux émissions de gaz à effet de serre.
Cependant, comme pour l’allongement des jours, l’impact climatique de l’activité humaine devient de plus en plus important.
Ce déplacement de l’axe de rotation n’a pas non plus « d’impact perceptible sur le quotidien de l’humanité », souligne Harald Schuh.
Mais l’allongement des jours tout comme le déplacement des pôles ont un effet sur l’omniprésent GPS. En effet, la géolocalisation dépend de données horaires précises. C’est pourquoi des horloges atomiques sont embarquées dans les satellites GPS. Mais si la Terre tourne toujours plus lentement, il faut ajouter ce qu’on appelle des « secondes intercalaires » pour maintenir l’équivalence entre le temps international et celui de la vitesse de rotation de la Terre.
Pareil pour l’emplacement des pôles. « Il faut corriger le signal GPS qu’on recoit depuis les satellites en fonction de l’axe de rotation de la Terre sinon on pourrait avoir une erreur pouvant aller jusqu’à environ 10 mètres. Ce qui est complètement inacceptable pour un grand nombre d’activités, comme dans l’industrie minière par exemple », explique Harald Schuh.
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