Portrait: Bassirou Diomaye Faye, une trajectoire fulgurante jusqu’au sommet de l’Etat

De son village reculé au sommet de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye incarne l’ascension éclair d’un homme élu président du sur la promesse d’un changement radical et sous l’impulsion d’un mentor charismatique.

Celui que tout le monde appelle « Diomaye » (« l’honorable » en sérère), suppléant du dirigeant Ousmane Sonko frappé d’inéligibilité, a été élu dès le premier tour le 24 mars avec 54,28% des voix, dix jours seulement après être sorti de prison.

Le vœu de la rupture, l’onction de M. Sonko et l’apparente simplicité de cette personnalité issue d’un milieu modeste lui ont permis de surclasser de 18 points le candidat du pouvoir.

Il prête serment ce mardi, devenant à 44 ans le cinquième et plus jeune président du Sénégal depuis l’Indépendance en 1960.

Il a énoncé la « réconciliation nationale », la baisse du coût de la vie et la lutte contre la corruption ses chantiers prioritaires quand, emprunté et bredouillant, il a lu en français et en ouolof sa première déclaration publique après la victoire, lui qui n’a jamais exercé le moindre mandat d’élu auparavant.

Se disant panafricaniste « de gauche », il a promis de rétablir une « souveraineté » bradée selon lui à l’étranger et a exprimé son souhait de remettre sur la table les contrats pétroliers et gaziers ainsi que les accords de pêche.

Il envisage de quitter le franc CFA et d’investir dans les secteurs agricole et industriel pour tenter de faire baisser le chômage qui s’élève officiellement à environ 20%. Il veut rééquilibrer les partenariats internationaux dans un sens « gagnant-gagnant » et travailler au retour du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.

Plan B de Sonko

Haut fonctionnaire de l’administration des Impôts et domaines où il a fait la connaissance d’Ousmane Sonko, il a franchi discrètement les étapes dans l’ombre de ce dernier. Son avènement consacre la réussite du plan B de M. Sonko qui, troisième de la présidentielle en 2019 et disqualifié en 2024, l’a désigné comme son remplaçant.

Pendant trois ans, avec le parti Pastef créé en 2014 par de jeunes cadres du public et du privé et dissous depuis, ils ont croisé le fer avec le pouvoir, le président Sonko se démultipliant aux avant-postes, le secrétaire général Faye actif à l’organisation et la doctrine.

Ils sont sortis ensemble après plusieurs mois d’emprisonnement mi-mars, en pleine campagne à la faveur d’une amnistie. Ils ont parcouru le pays ensemble, puis se sont partagé la tâche, drainant des foules en liesse derrière le slogan « Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko » (« Sonko c’est Diomaye, Diomaye c’est Sonko »).

« Ils sont deux faces d’une même pièce avec deux styles différents », corrobore Moustapha Sarr, un formateur des militants du Pastef.

C’est M. Sonko qui, lors du dernier meeting de la campagne, a présenté à la foule les deux épouses de « Diomaye », Marie et Absa. M. Faye sera le premier président du Sénégal polygame.

Souvent vêtu d’un boubou blanc traditionnel, de taille moyenne, portant une barbichette sous son visage juvénile, ce musulman pratiquant, père de quatre enfants, personnifie une nouvelle génération de politiciens.

Arts martiaux, reggae et le Real

Bassirou Diomaye Faye est né dans une famille d’agriculteurs humble et éduquée dans le village de Ndiaganiao, à 150 km à l’Est de Dakar, au bout d’une route cahoteuse et sablonneuse. Là-bas, il n’y a ni centre de santé, ni route goudronnée. « Diomaye était un petit berger qui surveillait ses chèvres », se souvient Mor Sarr, l’un de ses meilleurs amis.

« Diomaye a toujours été très proche de sa maman, Khady Diouf, qu’il aidait pour les tâches ménagères » après l’école, témoigne M. Sarr.

Admirateur de l’ancien président américain Barack Obama et du Sud-africain Nelson Mandela, fervent lecteur de livres de psychologie, il est aussi un « grand fan du Real Madrid et de (Zinedine) Zidane », l’ancien joueur de foot français, amateur d’arts martiaux et de natation, et fan de reggae, rapporte-t-il.

Ce petit-fils d’un tirailleur, grièvement blessé durant la bataille de Verdun (France) pendant la Première Guerre mondiale, est « un bon garçon », « très soigneux dans sa manière de faire » et « sera un président connecté » aux réalités du pays, pense son oncle et homonyme, Diomaye Faye.

Bassirou Diomaye Faye a quitté Ndiaganiao pour étudier à Dakar, puis intégrer la prestigieuse Ecole nationale d’administration. Il a dit revenir régulièrement au village.

Il s’est présenté pendant la campagne comme quelqu’un de « particulièrement raisonné, de particulièrement raisonnable, de particulièrement sensé, de particulièrement réfléchi ».

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