Nos femmes ont un plat fétiche pour les grandes occasions : la paella. Sorte de version moderne du simple ceebu yapp de grand-mère où l’on retrouve pratiquement tous les ingrédients : riz, viande, poulet, merguez, foie, toutes les variétés de fruits de mer, une guirlande de légumes, maïs, olive noire et/ou verte, petits pois, parfois même du raisin sec…Bref pratiquement tout et le gourmet s’y perd devant tant de réjouissances où l’on frôle l’indigestion.
La coalition du nouveau Président de la République, Bassirou Diomaye Faye, qui vient de signer une véritable révolution démocratique avec une victoire écrasante et éclatante dès le premier tour, me fait justement penser à une paella. Certes, le mérite de beaucoup des figures qui la composent dans le succès de M. Faye est dérisoire, tant cette victoire est d’abord et avant tout celle des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), mais certains ralliements ont eu le mérite de crédibiliser le “Projet” et de rassurer certains indécis heurtés par la démagogie, le populisme et les outrances de ce parti, ces dernières années dans l’opposition.
Après le raz-de-marée de dimanche, quelle sera la ligne de ce mouvement hétéroclite où l’on trouve pratiquement toutes les sensibilités ? Où l’islamiste revendiqué Cheikh Oumar Diagne “Maba” – il s’est donné le surnom de l’Almamy du Rip pour une nouvelle mission de “restauration des valeurs”- côtoie l’ancienne Première ministre, Aminata Touré et l’universitaire Babacar Diop, au discours émancipateur, républicain et universaliste. Où le petit Zemmour local, Tahirou Sarr, coudoie le modéré Abdourahmane Diouf. Où le très policé et raisonné Mary Teuw Niane fait cause commune avec le tonitruant Dame Mbodj. Où le noyau dur de PASTEF, qui a fait preuve d’une remarquable loyauté (zéro transhumance) à leur leader, Ousmane Sonko, fraie avec une cohorte d’opportunistes, transfuges de l’ancien régime. Où pour résumer : ce qu’il y a de plus déplorable dans l’anti-système valse avec ce qu’il y a de plus pathétique et de caricatural dans le système.
On le voit bien Diomaye Président est un assemblage particulièrement hétéroclite. Comment le président Bassirou Diomaye Faye fera-t-il cohabiter tout ce beau monde ? Lui dit qu’il n’y aura pas de partage de gâteau et que son prochain gouvernement s’appuiera très largement sur le projet de PASTEF façonné depuis 2014.
Le choix des hommes permettra d’y voir un peu plus clair sur les réelles inclinations du chef de l’État.
Notons tout de même que ses premiers pas de Président, tout comme sa première allocution sont impeccables et tout à fait encourageants. Sa volonté de “consolider les acquis obtenus dans les processus de construction de l’intégration dans la CEDEAO, tout en corrigeant les faiblesses et en changeant certaines méthodes, stratégies et priorités politiques”, montre qu’il est conscient de la vocation avant-gardiste du Sénégal et qu’il ne veut pas nous enfermer le pré carré national étriqué.
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