Macron veut un « gouvernement d’intérêt général » et fustige un « front antirépublicain »
Emmanuel Macron a déclaré jeudi soir qu’il nommerait « dans les prochains jours » un Premier ministre chargé de former un « gouvernement d’intérêt général », au lendemain de la censure historique de Michel Barnier qu’il a reprochée à un « front antirépublicain » entre « l’extrême droite et l’extrême gauche ».
Dans une allocution télévisée de dix minutes depuis l’Elysée, le chef de l’Etat a pour la première fois esquissé un mea culpa sur la dissolution de l’Assemblée nationale décidée en juin, qui a plongé le pays dans la crise. Elle « n’a pas été comprise », même si elle était « inéluctable », a-t-il dit. « Beaucoup me l’ont reprochée » et « c’est ma responsabilité », a-t-il reconnu.
En revanche, il a refusé d’assumer « l’irresponsabilité » des « parlementaires qui ont choisi en conscience de faire tomber le budget et le gouvernement de la France à quelques jours des fêtes de Noël ». Aux appels à la démission qui émanent de La France insoumise et, de manière plus feutrée, du Rassemblement national, Emmanuel Macron a répondu qu’il exercerait son mandat « pleinement jusqu’à son terme » en 2027.
– PS, macronistes et LR reçus vendredi –
Le président a « pris acte » de la démission présentée jeudi matin par Michel Barnier, qu’il a chargé d’expédier les affaires courantes dans l’attente d’un successeur.
Il a salué le « dévouement » de celui qui, renversé la veille par 331 députés, détient désormais le record peu enviable du Premier ministre le plus éphémère de la Ve République.
Malgré les « concessions », son gouvernement a été censuré « parce que l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unis dans un front antirépublicain » pour choisir « le désordre », a déploré Emmanuel Macron. Il a aussi taclé sans le nommer le Parti socialiste, qui « hier encore gouvernait la France ».
Face à cette nouvelle impasse, alors que la nomination du successeur à Matignon avait été envisagée pour ce jeudi, Emmanuel Macron a une fois de plus temporisé.
« Je nommerai dans les prochains jours un Premier ministre. Je le chargerai de former un gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement qui puissent y participer ou, à tout le moins, qui s’engagent à ne pas le censurer », a-t-il promis, sans plus de précisions.
Pour ce faire, il recevra vendredi successivement les chefs parlementaires de son propre camp, du PS puis de LR. Ce qui dessine les contours de cet « arc » qu’il appelle de ses voeux, puisque La France insoumise, les Ecologistes et le Rassemblement national n’ont pas été invités à ce stade.
Une façon aussi d’enfoncer un coin au sein de l’alliance de gauche du Nouveau Front populaire.
« J’espère que toutes les forces politiques qui ont participé au front républicain » lors des législatives de juillet dernier « seront de la même manière conviées par le président de la République », a plaidé jeudi soir sur France 2 le patron des députés PS Boris Vallaud.
« Les socialistes font ce qu’ils veulent », a balayé de son côté le coordinateur Insoumis Manuel Bompard sur BFMTV, tout en jugeant qu' »aller discuter ou négocier une forme de coalition avec les macronistes (…) c’est une rupture avec les engagagements pris devant les électeurs ».
Le futur exécutif aura pour « priorité » le « budget », qui n’a pu être adopté sous l’équipe sortante. En commençant par une « loi spéciale » déposée au Parlement « avant la mi-décembre » pour assurer « la continuité » du financement de l’Etat sur la base du budget de l’année en cours.
Le chef de l’Etat, revenu au cœur de l’attention après une longue période de réserve, n’a donc pas clarifié le portrait-robot du futur Premier ministre.
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, reçue à l’Elysée jeudi, l’avait pourtant exhorté à nommer « rapidement » un chef de gouvernement pour « ne pas laisser s’installer le flottement ».
Emmanuel Macron a surtout déjeuné avec son allié François Bayrou, dont le nom circule avec insistance pour Matignon, avec celui de l’indéboulonnable ministre macroniste des Armées Sébastien Lecornu.
François Bayrou s’est aussi entretenu avec un autre prétendant, l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve.
D’autres noms sont cités, du président des Hauts-de-France Xavier Bertrand au maire de Troyes François Baroin, tous deux LR.
– Marchés calmes –
« Flou », « impasse », « cercle vicieux »: du nord au sud du pays, l’inquiétude et la lassitude étaient manifestes chez les Français interrogés par l’AFP. Elles se sont également traduites par une mobilisation notable des agents de la Fonction publique d’Etat, dont 130.000 ont manifesté en France.
Les marchés restaient en revanche calmes: la Bourse de Paris a fini dans le vert jeudi, résistant à la crise politique, malgré un avertissement de l’agence Moody’s pour qui la chute du gouvernement « réduit la probabilité d’une consolidation » des finances publiques.
Emmanuel Macron est « la cause du problème » et « s’en ira par la force des événements », a réagi le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon sur TF1 après l’allocution.
La patronne des Ecologistes Marine Tondelier a elle salué sur X une « bonne nouvelle »: « Le président de République n’a pas nommé à la va-vite un Premier ministre encore plus à droite ». « Sur tout le reste, c’est simple: rien n’allait. Ça va mal se terminer… », a-t-elle nuancé.
Selon deux sondages Odoxa et Elabe publiés jeudi, les Français étaient partagés sur la motion de censure, mais six sur dix réclament la démission d’Emmanuel Macron.
Au RN, si Marine Le Pen n’a pas formellement réclamé une démission du président, elle estime que « la pression » à son endroit « sera évidemment de plus en plus forte » si « on ne prend pas la voie du respect des électeurs ».
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