Haïti dans l’expectative après l’annonce de la démission de son premier ministre
Un calme précaire régnait mardi à Port-au-Prince après l’annonce de la démission du premier ministre haïtien contesté Ariel Henry, mais les interrogations sur une accalmie demeurent au moment où le pays, ravagé par la violence des gangs, vit une crise politique et sécuritaire aiguë.
Signe que la situation reste loin d’être stabilisée, le Kenya a décidé de suspendre l’envoi prévu de policiers en Haïti dans le cadre d’une mission internationale soutenue par l’ONU. Washington a aussitôt rétorqué ne pas voir de raison à ce report.
Ariel Henry, qui ne parvenait pas à regagner son pays après un voyage au Kenya et se trouvait à Porto Rico, a déclaré lundi soir dans un message vidéo qu’il continuerait de gérer les affaires courantes jusqu’à ce qu’un « conseil présidentiel de transition » soit mis en place.
L’annonce avait d’abord été faite par l’actuel président de la Communauté des Caraïbes (Caricom), Mohamed Irfaan Ali, lors d’une réunion d’urgence en Jamaïque de l’organisation avec des représentants de l’ONU, des États-Unis et de la France notamment, ainsi que des membres de partis politiques et de la société civile de Haïti.
Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, « prend note » de l’accord ainsi que de l’annonce de M. Henry, a indiqué son porte-parole.
M. Guterres appelle aussi les parties prenantes en Haïti à « agir de manière responsable » et à avancer vers la mise en oeuvre de l’accord « afin de restaurer les institutions démocratiques du pays par le biais d’élections pacifiques, crédibles et inclusives ».
La France a de son côté jugé que le dialogue interhaïtien avait permis d’ouvrir « une perspective positive » en jetant « les premières bases d’une transition politique inclusive en vue d’élections libres et démocratiques », tandis que le Canada saluait l’accord mais se disait « toujours préoccupé par la situation sécuritaire ».
Tirs
Mardi, un calme précaire régnait à Port-au-Prince, même si des tirs pouvaient être entendus dans certains quartiers, selon un correspondant de l’AFP et des habitants.
Sans président ni parlement — le dernier chef d’État, Jovenel Moïse, a été assassiné en 2021 —, Haïti n’a connu aucune élection depuis 2016. Ariel Henry, nommé par Jovenel Moïse, aurait dû quitter ses fonctions début février.
Des gangs armés ont pris le contrôle de pans entiers du pays de 11,6 millions d’habitants. Des affrontements les opposent régulièrement aux forces de l’ordre, et ils s’en sont récemment pris à des sites stratégiques comme le palais présidentiel, des commissariats et des prisons.
Un puissant chef de gang, Jimmy Chérizier alias « Barbecue », a récemment menacé d’une « guerre civile » si Ariel Henry ne démissionnait pas.
Après des mois de tergiversations, le Conseil de sécurité de l’ONU a donné en octobre son accord pour l’envoi dans le pays d’une mission multinationale menée par le Kenya.
Mais le gouvernement kényan a décidé de suspendre l’envoi prévu de ses policiers. « Il y a eu un changement radical à la suite de l’effondrement complet de l’ordre public et de la démission du premier ministre », selon un haut responsable du ministère des Affaires étrangères.
Accalmie ?
Haïti reste aujourd’hui le pays le plus pauvre du continent américain.
Le chef du Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU en Haïti, Jean-Martin Bauer, a dit mardi dans un communiqué que le pays vivait « l’une des crises alimentaires les plus graves du monde — 1,4 million d’Haïtiens sont à deux doigts de la famine ».
« Nous espérons une accalmie mais la situation à Port-au-Prince est difficile depuis un certain temps, avant même ces deux dernières semaines », a-t-il dit par liaison vidéo à la presse. « Nous savons que la configuration du terrain restera assez difficile à l’avenir ».
« En Haïti en ce moment, emmener vos enfants à l’école, aller au supermarché, aller au travail… Toutes ces choses sont extrêmement risquées », a-t-il ajouté.
La capitale, en grande majorité sous la coupe des gangs, « est une bulle. Il n’y a pas de moyen d’entrer ou de sortir et nous ne pouvons pas, à l’instant présent, y amener de la nourriture. Mais nous avons un entrepôt et la nourriture dans cet entrepôt est distribuée à la population déplacée en priorité », selon M. Bauer.
Selon l’Organisation internationale des migrations, 362 000 personnes sont actuellement déplacées en Haïti, un chiffre qui a bondi de 15 % depuis le début de l’année.
AFP
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