En attendant les recettes d’une industrialisation pour laquelle le Mouvement des entreprises du Sénégal (MEDS) promet d’engager ses ressources et ses énergies, son Président, a bouclé une année bien remplie à travers différentes activités qui l’ont conduit aux quatre coins du monde. De retour au pays, Mbagnick Diop a accepté de s’ouvrir à nous et d’apporter ses lumières pour éclairer les sentiers et les chantiers d’un Sénégal qu’il veut voir intégrer les rangs des Nations développées. Pour ce faire, les prérequis ne manquent pas : ils tournent autour d’un environnement des affaires adéquat, la résolution du problème de l’emploi et l’ouverture de la commande publique au secteur privé, entre autres. Le tout, adossé à une paix civile sans laquelle, rien ne se construit. Alors, des défis du secteur privé, au financement du PIB, en passant par le PPP, ou encore le patriotisme économique, le président du MEDS ne lésine sur la réflexion…
Quel bilan du dernier mandat présidentiel de Macky Sall tirez-vous, en termes de dynamisme économique pour les entreprises sénégalaises ?
Le dernier mandat du Président Macky Sall a été marqué par deux évènements majeurs. Le premier c’est d’abord la pandémie de la Covid 2019 qui a affecté le monde entier, bouleversé toute l’économie, avec des conséquences très négatives sur l’évolution politique, sociale et économique du monde. Le deuxième évènement marquant ce mandat, c’est naturellement la guerre Russo-ukrainienne avec les crises différentes. La crise alimentaire, la crise économique et donc qui sont les conséquences de guerre. Notre pays faisant parti du monde global a subi sa part de conséquences et a aussi enregistré des effets négatifs de ces crises-là. Mais malgré celles-ci on peut constater que grâce à l’action du gouvernement de Macky Sall, avec la mise à disposition du Fonds Covid, grâce aussi à l’engagement aux côtés du gouvernement, des entreprises privées sénégalaises, notre pays a fait preuve d’une grande résilience.
Une résilience qui a permis d’amortir les chocs sociaux, économiques, si effectivement les mesures n’étaient pas prises au niveau de ces entités, c’est-à-dire le gouvernement, et l’ensemble des entreprises privées sénégalaises. Aujourd’hui, la situation est en train de se stabiliser petit à petit et le gouvernement après les PAP : PAP1 et PAP2, a engagé une dynamique inclusive avec le PAP3. Une dynamique visant à définir par les acteurs, privés et publics, une stratégie nationale de développement du secteur privé. Ce document a été adopté et contient des propositions et des actions fortes. Cet instrument contient les actions que le gouvernement assigne au secteur privé et renferme les conditions que le gouvernement doit remplir pour permettre aux acteurs du secteur privé de jouer son rôle et la mise en place de cette stratégie, son application très prochaine, la confiance que les acteurs portent à cette stratégie permettront au Sénégal d‘engager et de connaître un nouveau dynamisme économique.
A deux mois de l’élection présidentielle, comment qualifierez-vous l’environnement actuel des affaires ? Doit-on craindre un ralentissement de l’activité économique ?
Aujourd’hui, naturellement les conditions d’évolution du secteur privé Sénégalais sont très difficiles. Ces conditions sont difficiles car nos entreprises, composées essentiellement de PME/PMI, sont confrontées à deux défis. Le premier défi principal c’est d’abord le problème du financement des entreprises sénégalaises. Car tout le monde sait que les banques sénégalaises, bien que ‘’surliquides’’ participent très peu au financement du PIB national sénégalais. Aujourd’hui les conditions financières imposées par les banques aux entreprises sénégalaises sont des conditions difficiles, qui rendent compliqué l’accès au crédit. C’est une grande problématique car les conditions sont extrêmement difficiles et les taux d’intérêt pratiqués sont très élevés, ne permettant pas à une PME et PMI d’emprunter, de rembourser et de faire des profits.
La deuxième chose, pour accéder aux crédits bancaires les garanties et suretés financières exigées sont hors de portée de la PME-PMI sénégalaise. Troisième chose : le corpus du règlement prudentiel de la BCEAO est contraignant et ne facilite pas l’accès au crédit. Je voudrai souligner deux problèmes. Celui du taux de conversion de la BCEAO, pour prêter aux entreprises. Un taux très élevé et qui ne permette pas de disposer de crédits longs, adaptés à la condition de la PME-PMI. Il y a le niveau de réserves obligatoires qui mobilise des fonds stériles et qui ne sont pas employés au profit de l’économie sénégalaise.
Donc, l’obstacle financier est important ; il est infranchissable. L’autre chose c’est le faible niveau d’accès du secteur privé national sénégalais à la commande publique. Aujourd’hui, la plupart des marchés importants au Sénégal sont attribués à des groupes multinationaux étrangers, à des entreprises étrangères avec de grandes surfaces financières. Tandis qu’à côté, les entreprises sénégalaises se contentent et n’ont que des miettes et des petits marchés et végètent dans la sous-traitance. Il faut davantage mettre l’accent sur le patriotisme économique pour permettre aux PMI et PME sénégalaises d’accéder de manière plus ample à la commande publique. Deux questions qui sont à régler et impérativement au Sénégal.
Si ces questions ne sont pas réglées, l’avenir de l’entreprise sénégalaise restera sombre. Si ces questions ne sont pas réglées, la pérennité et le développement de nos unités de production de nos entreprises se poseront.
Selon vous, quelles sont les priorités ou grandes orientations pour améliorer les relations entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics durant l’année 2024 ?
Je pense que pour améliorer les relations entre les entreprises sénégalaises et les pouvoirs publics, les actions sont déjà esquissées dans les réponses aux deux questions précédentes. Il faut d’abord que les pouvoirs publics accordent la confiance qu’il faut aux entreprises sénégalaises. Que le gouvernement sénégalais accorde à son secteur public toute la confiance nécessaire. C’est un problème de base. Il faudrait aussi que les pouvoirs publics sachent que tout ce qui est bon pour le Sénégal est bon pour l’entreprise sénégalaise et que l’entreprise est le moteur de l’économie. L’entreprise crée de la richesse, des emplois ; elle fait reculer la pauvreté, combat la précarité et donc l’entreprise doit être au cœur de toute l’action politique, économique et sociale du gouvernement. Si cela est compris, naturellement, ce pays se mobilisera autour de son entreprise, de ses partenaires économiques, autour de ses capitaines d’industrie pour faire devenir un pays riche, prospère où il fera bon vivre.
La dernière chose à souligner c’est que l’Etat doit appuyer l’entreprise sénégalaise, faciliter son accès aux financements publics et aux crédits, son accès à la commande publique et que l’Etat du Sénégal veille à ne pas toujours approfondir, grandir et élargir la dette intérieure, la dette due aux entreprises. Aujourd’hui, dans beaucoup de secteurs, des entreprises sont en difficultés à cause de cette dette. Il faut que cette question soit adressée et considérée comme fondamentale et centrale. Il faut éponger la dette intérieure, appuyer les entreprises sénégalaises, faciliter leur accès à la commande publique. Si toutes les exigences sont remplies, l’entreprise sera dans les conditions optimales pour jouer son rôle et tirer notre développement économique et social pour l’ensemble des sénégalais.
Monsieur le Président, vous êtes un précurseur de la lutte contre le chômage des jeunes, en particulier des jeunes diplômés depuis plus de deux décennies avec le Forum du 1er Emploi, comment analyser aujourd’hui le problème de l’emploi au Sénégal ?
J’ai dit que le Sénégal connait un fort taux de chômage. Notre pays a une population extrêmement jeune. Selon les statiques, 75% des sénégalais ont moins de 35 ans. Cette masse de jeunes est confrontée à des difficultés énormes pour accéder à un emploi décent. Cette situation qui est devenu une préoccupation nationale inquiète le gouvernement, préoccupe les situations et interpelle toute la communauté internationale. Nous sommes tous conscients de la persistance de ces forts taux de chômage qui sont une bombe sociale qu’il faut désamorcer si nous voulons conserver la stabilité de notre pays, sauvegarder la paix civile. Notre mouvement le MEDS, il y a deux décennies, observant la tendance haussière et dangereuse du chômage, avait alerté et invité les sénégalais à se mobiliser autour de la question et à la résolution de la question du chômage.
Dès lors, notre pays prônait la tête d’une croisade contre le chômage avec des initiatives hardies qui visaient toutes à élever l’employabilité des jeunes et qui visait à proposer aux jeunes des emplois décents pour leur permettre de vaincre ce fléau qu’est le chômage. Nous sommes conscients que sans la résolution de cette question, notre pays court des risques d’instabilité sociale car tout le monde est conscient que la misère, la pauvreté et la précarité ne peuvent pas durer sans conséquence sur la paix civile. C’est ainsi que le MEDS a lancé plusieurs initiatives dont le Forum du premier emploi. Ce forum qui aujourd’hui est devenu le plus grand rassemblement de jeunes en quête d’une insertion professionnelle.
Des milliers de jeunes ont retrouvé le sourire et accédé à un contrat de travail, en CDD ou en CDI, grâce à ce forum qui est totalement gratuit. Et, au fil du temps, il est devenu une bouée de sauvetage pour les jeunes qui se noyaient dans l’océan du sous-emploi, de la précarité et des loisirs. Le MEDS continue d’être dans cette lancée avec un vaste mouvement de lutte contre le chômage, d’un vaste mouvement pour la rénovation du tissu économique et social pour offrir aux jeunes des emplois décents.
Comment le MEDS et d’une manière générale le Secteur privé évolue dans le contexte préélectoral ?
Le Sénégal va organiser le 25 février 2024 une élection présidentielle. Donc cette élection sera l’occasion de choisir la femme ou l’homme qui va présider aux destinées de notre pays pour les 5 prochaines années. Comme vous le savez, le contexte préélectoral dans nos pays est un moment particulier, d’hésitation sociale, d’agitation politique, un moment souvent propice aux désordres. Nous, en tant que MEDS, organisation patronale privée, nous tenons à rappeler que les élections sont un moment important dans la vie d’une nation mais, restent un moment ordinaire qui permet à chaque citoyen de choisir son candidat pour diriger le pays. Ce moment ne doit pas être un moment de tensions mais un moment de confrontations des idées. Cela doit être un moment de choc des arguments, de propositions, où tous les candidats, mus uniquement par l’intérêt national, doivent proposer des pistes de solutions aux problèmes qui assaillent notre pays. C’est pourquoi le MEDS appelle à la sérénité, au civisme, à sens de responsabilité pour que le moment puisse passer sans problèmes, pour le pays et sans grands heurts pour le Sénégal. On ose espérer que la campagne qui va démarrer sera paisible, responsable, où le choc des idées l’emportera sur la violence physique.
Une campagne où la pertinence des arguments l’emportera sur la force. Une campagne où la vigueur de l’argument l’emportera sur la force physique. En tout cas nous MEDS, en ce qui nous concerne nous allons jouer notre rôle pour contribuer à l’apaisement dans ce pays pour un cheminement organisé vers les élections et que le meilleur gagne et que le pays poursuive sa marche vers le développement. Le pays dépasse les élections et il sera là après les élections donc il faut être conscient que l’intérêt du Sénégal, l’intérêt de la nation doit l’emporter sur la passion et l’égoïsme de tous bords qui se réveille et s’expriment pendant les périodes électorales. C’est cela l’appel que nous lançons à l’endroit des sénégalais, à l’endroit des acteurs politiques, qui dans ce pays vont entrer en compétition pour bénéficier de la confiance de notre peuple.
Le MEDS en ce qui le concerne travaillera à cela et va rencontrer les forces politiques pour passer avec elles, un pacte de responsabilité, un pacte de fraternité, un pacte de paix, pour que le Sénégal sorte gagnant de l’élection présidentielle.
Votre avis et analyses sur les perspectives économiques du Sénégal ?
Le Sénégal, comme l’ensemble des pays de la planète, vient de sortir de la crise du Covid 19 et subit aujourd’hui les conséquences et les chocs produits par la guerre russo-ukrainienne. Malgré ce double choc, notre pays a résisté et fait preuve d’une grande résilience économique et sociale. S’il en est ainsi, c’est que les acteurs économiques et sociaux, privés comme publics, sont résolument engagés à consentir des sacrifices énormes et faire preuve de patriotisme pour relever les défis et permettre à notre pays de résister mais aussi de pouvoir renouer avec une croissance économique appréciable. Cette situation, nous devons la consolider et faire en sorte que notre pays continue sa progression et sa marche vers le peloton des pays en émergence économique. Et cette situation de progrès, elle se consolide. Nous sommes en train de la construire et nous dévons la consolider surtout en mettant l’entreprise au cœur de nos actions. Elle est le foyer de création de richesses et doit retenir toute notre attention et doit faire l’objet de nos sollicitudes.
A notre avis, tout ce qui concerne l’entreprise, et qui la développe est bon pour le Sénégal. Nous, entreprises du secteur privé, on s’est engagés avec le gouvernement pour construire une stratégie nationale du secteur privé sénégalais. Elle repose sur un postulat. Le gouvernement fixe au secteur privé des objectifs. Objectifs d’investissement de croissance, de développement économique et social, de création d’emplois et, en retour, le secteur privé va définir les stratégies pour savoir quels sont les moyens qu’on va lui donner pour jouer ce rôle-là. Quelles sont les réformes que le gouvernement sénégalais doit engager pour que le secteur privé national reste dans les meilleures conditions pour jouer son rôle. Si ce pacte est respecté par les acteurs et que le gouvernement prend les réformes nécessaires et, appuie le secteur privé de façon massive, claire, et efficace, le secteur privé va s’engager à réaliser les conditions de développement que le gouvernement lui fixera. Ce sont là les deux piliers du pacte. Appui au secteur privé et engagement du secteur privé. Le MEDS est dans cette perspective et prêt à parcourir son chemin.
Le MEDS accorde une attention particulière à la question de l’industrialisation du Sénégal. Nous savons qu’un pays ne peut pas se développer sans industries. Actuellement, le Sénégal a les atouts pour développer et commencer à faire essaimer un tissu de PME et de PMI et surtout une production agricole. Le pays est en train de réaliser au plan agricole de performances inédites mais ces produits agricoles ne sont ni transformés ni conditionnés ; ils sont exportés à l’état brut. Un très peu de plus-value. Le secteur privé sénégalais souhaiterait, avec le gouvernement, réfléchir ensemble pour voir les conditions de transformation de nos produits agricoles. Dans le domaine de la santé, dans le domaine pharmaceutique, des industries chimiques, le Sénégal a des compétences et il ne reste qu’à mettre les conditions pour que nous puissions voir essaimer des tissus Pme et Pmi.
Le MEDS est prêt à s’engager pour être le moteur de l’industrialisation prochain du pays. Nous avons les moyens, l’envie, la compétence, la volonté et ce qui nous reste c’est que le gouvernement et l’Etat du Sénégal puissent comprendre l’importance de l’industrie dans le développement économique et nous apporter son soutien. Nous estimons que le Sénégal est sur la bonne voie. Les indicateurs macro- économiques sont bons, les politiques économiques futures ont été construites sur un consensus avec le secteur privé et le gouvernement. Il ne reste que l’engagement des parties pour que le pays franchisse un pas et aille vers le développement de l’industrialisation du pays afin de mieux résoudre le problème du chômage.
Vos conclusions et recommandations en votre qualité de Président du MEDS !
Pour les conclusions et quelques recommandations, je pense que si aujourd’hui nous voulons atteindre nos objectifs de développement économique, et social, il y a des conditions indispensables qu’il nous faut remplir. Il y a une attitude nouvelle favorable à l’entreprise à adopter. La première condition c’est d’abord de mettre en place un système de financement de l’entreprise sénégalaise. L’entreprise a besoin de ce système bancaire en guise d’appui pour régler ses besoins en investissement. Mettre en place un système plus favorable, réduire les goulots d’étranglements à l’accès aux crédits, réduire les obstacles qui freinent cet accès. Nous pouvons souligner parmi ces obstacles, les taux d’intérêts trop élevés dans le système bancaire, avec une absence de crédit long adapté au développement des PME et PMI, l’existence de conditions de garantie trop élevées et qui ne sont pas à la portée des PMI et PME.
La deuxième chose, c’est l’accès à la commande publique. Aujourd’hui, tout le monde sait que la plupart des projets publics et des grands marchés sont attribués à des sociétés étrangères et pas de sociétés de droits sénégalais. La première mesure c’est d’abord de pratiquer effectivement sur le terrain les principes du patriotisme économique et des clauses de préférence à l’entreprise nationale pour attribution de la commande publique. Il faut pour la troisième chose, revoir le système fiscal sénégalais qui aujourd’hui est très compliqué. Il faut alléger les procédures fiscales mais aussi alléger les taux de la fiscalité qui pèsent de manière négative sur la trésorerie des entreprises sénégalaises. Ces questions sont essentielles et nous pensons que le Sénégal pourra continuer sa marche vers le développement mais il pourra favoriser une répartition juste des produits du travail de chaque sénégalais, de chaque entité sénégalaise.
Et aussi développer la solidarité nationale, vers les jeunes, vers les personnes du 3ème âge. Nous devons créer une société où chaque citoyen doit trouver une bonne raison de vivre, de s’épanouir, et de se développer…
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