Mali: Cheick Oumar Doumbia, figure du mouvement pro-démocratie, agressé au couteau à Bamako
Au Mali, Cheick Oumar Doumbia a été agressé au couteau dans la nuit de vendredi à samedi 10 mai. Figure montante du mouvement pro-démocratie dans le pays, issu de la société civile, il a pu échapper à ses assaillants. Cette agression survient alors qu’on dénombre au moins deux enlèvements et deux tentatives d’enlèvements d’hommes politiques critiques de la Transition depuis jeudi. Les enlèvements sont l’œuvre de la Sécurité d’État du Mali. Pour l’agression de Cheick Oumar Doumbia, les responsabilités sont moins claires.
L’agression s’est produite aux environs de 0h40, dans la nuit de vendredi à samedi. Selon les détails recoupés auprès de proches de Cheick Oumar Doumbia, plusieurs hommes à bord d’un véhicule de type 4×4 V8 l’attendaient à quelques rues de son domicile, dans le quartier de Kalaban Koro. L’un d’eux l’a attaqué avec un couteau, mais Cheick Oumar Doumbia s’en est sorti avec une « égratignure », selon le terme employé, grâce à l’intervention des amis avec qui il se trouvait et qui se sont interposés. Les assaillants ont ensuite pris la fuite.
Contre la « confiscation du pouvoir » et la « restriction des libertés »
Cheick Oumar Doumbia est une jeune figure de la société civile malienne devenue, ces dernières semaines, un acteur emblématique du mouvement pro-démocratie. Fin analyste politique intervenant régulièrement dans les médias nationaux, Cheick Oumar Doumbia dirige le bureau de conseil The Mind et l’association Youth For Change Mali.
Il est surtout l’un des fondateurs du Collectif des jeunes pour la démocratie qui rassemble de jeunes acteurs politiques et de la société civile affichant courageusement leur opposition à la direction prise par la Transition. Dimanche dernier, le collectif avait présenté un manifeste prônant le retour à l’ordre constitutionnel et refusant « toute forme de dérive autoritaire, de confiscation du pouvoir et de restriction des libertés. » La veille, « COD » était porté à bout de bras par les militants pro-démocratie rassemblés devant le Palais de la culture.
Son agression au couteau survient après plusieurs enlèvements et tentatives d’enlèvements d’hommes politiques, également en pointe dans la contestation de la Transition. Alhassane Abba de la Codem et de la coalition Jigya Kura, et El Bachir Thiam du parti Yelema sont toujours détenus dans une prison secrète de la Sécurité d’État, depuis jeudi.
Mais contrairement à ces enlèvements, l’agression au couteau de Cheick Oumar Doumbia ne correspond pas au mode opératoire habituel des services maliens. « La Sécurité d’État ne tue pas publiquement, de surcroît en pleine ville de Bamako, c’est impossible », conteste une source sécuritaire malienne, qui reconnaît par ailleurs que la Sécurité d’État est bien à l’origine des enlèvements.
Appels à la violence
Ces derniers jours, les soutiens des militaires au pouvoir ont multiplié les appels à la haine et à la violence contre les défenseurs de la démocratie. Des appels proférés ouvertement, y compris par des membres du Conseil national de transition, et largement relayés sur les réseaux sociaux. Les agresseurs de Cheick Oumar Doumbia sont-ils des nervis à la solde du pouvoir, comme ceux qui avaient empêché le meeting des partis politiques il y a une semaine ? « Pour le moment, on cherche à comprendre », poursuit cette source sécuritaire malienne.
Mercredi dernier, quelques jours après l’éclosion d’un mouvement de contestation inédit depuis le début de la Transition et à deux jours d’un rassemblement qui s’annonçait massif, les autorités de transition ont officiellement suspendu toutes les activités politiques des partis et associations dans le pays. Une suspension décidée « jusqu’à nouvel ordre, pour raison d’ordre public. » Aucun des militaires au pouvoir ni aucun ministre du gouvernement de transition ne s’est exprimé publiquement sur tous ces évènements.

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