Justice constitutionnelle au Sénégal : de la dilution à la spécialisation
Par nécessité les société politiques se sont toujours dotées d’une charte fondamentale à travers laquelle elles se forgent un destin commun encadré et protégé. Pour ce faire, cette société crée une ou des juridictions dites constitutionnelle(s) chargé(es) de veiller à cette norme fondatrice pour la préservation de sa suprématie et son développement. C’est cette noble ambition qui est désignée sous le vocable de justice constitutionnelle, et sans laquelle il est illusoire de parler de Constitution, d’égalité des citoyens, de limitation du pouvoir des gouvernants pour une bonne protection des droits et libertés des gouvernés.
La notion de justice constitutionnelle est consubstantielle à celle d’Etat de droit, et désigne en droit public l’ensemble des règles qui gouvernent les institutions et procédures mises en place dans un Etat pour garantir le respect, l’application, et l’interprétation correcte de la Constitution, ainsi que des autres normes qui en découlent.
Selon les pays, elle est alors tantôt exercée par les tribunaux ordinaires, auquel cas il est instituée une hiérarchie plaçant au sommet une juridiction d’autorité, qui par sa jurisprudence assure l’uniformité d’interprétation (téléologique surtout).
C’était le cas au Sénégal en 1959 durant la brève période de la Fédération du Mali, quand le contrôle de constitutionnalité était confié à une des trois sections de la Cour fédérale, les deux autres ayant été chargées des contrôles administratif et financier.
Dans la même veine, la Constitution sénégalaise de 1960 adoptée après l’éclatement de la Fédération, instituait également une Cour suprême organisée par l’ordonnance n° 60-17 du 3 septembre 1960 qui connaissait entre autres compétences (Recours pour Excès de Pouvoir, Cassation, Comptes des comptables publics), de la constitutionnalité des lois ainsi que des engagements internationaux » (articles 62 de la Constitution et 1 à 6 de l’Ordonnance).
Tantôt la justice constitutionnelle est exercée par une juridiction spéciale, diversement dénommée selon les Etats (Tribunal, Conseil, cour, haute cour), mais qui, en tout lieu et en tout temps, n’est riche de compétences et d’efficace que par ce que lui confie le pouvoir constituant (originaire ou dérivé).
Il en est ainsi actuellement au Sénégal depuis la réforme judiciaire du 30 mai 1992 instituant trois juridictions au sommet de la hiérarchie : un Conseil constitutionnel, un Conseil d’État et une Cour de cassation (LO 92-23, 92-24, 92-25). Une nouvelle réforme de 2008 fusionnera les deux dernières en un Cour suprême, mais en maintenant la spécialisation de la juridiction constitutionnelle.
Toutes ses péripéties nous enseignent au moins que la recherche de l’efficacité d’une juridiction constitutionnelle ne réside pas en principe, ni dans sa dilution organisationnelle, ni dans sa spécialisation.
Elle l’est encore moins dans son appellation (Tribunal, Conseil, cour), et reste plutôt à orienter dans l’approche herméneutique qui présiderait à la détermination existentielle de ses compétences.
Et on gagnerait à ne pas perdre cette recherche d’efficacité de l’institution dans le fameux débat doctrinal sur son caractère juridictionnel ou politique, sinon ambivalent, qui est du domaine de la théorie constitutionnelle. L’’intérêt réside seulement dans la juridicité de sa mission et dans le pragmatisme qui doit l’englober pour lui permettre de faire œuvre utile.
Evitons donc toutes distractions aux desseins et arrière-pensées funestes /. /
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