Moustapha Sourang, parcours d’un soldat de l’éducation
L’ancien ministre de l’Education nationale du régime libéral, Moustapha Sourang, est décédé, ce mardi 4 août, à l’âge de 71 ans. Agrégé de droit et ancien recteur de l’Ucad, Pr Sourang a eu un parcours élogieux aussi bien dans le milieu universitaire que dans la gestion des affaires de l’Etat. Retour sur le parcours d’un homme de droit, soldat de l’éducation nationale.
La nouvelle est tombée comme un couperet tard dans la nuit du lundi 3 août au mardi 4 août 2020. Alors que le Sénégal tentait difficilement de se remettre de la perte tragique et quasi-simultanée de plusieurs de ses valeureux fils (le khalife de Médina Baye, le Khalife de Mbeuleukhé, Mansour Kama, Gora Ngom, entre autres) tous partis le même week-end, la faucheuse frappe encore avec une intensité inouïe. Cette fois, c’est Moustapha Sourang qui a rendez-vous avec la mort.
L’ancien ministre de l’Education nationale du régime libéral venait à peine de souffler sur sa 71e bougie, le 24 juillet dernier (il est né le 24 juillet 1949). Il a rendu l’âme à l’hôpital Principal où il était hospitalisé. Une grosse perte pour la communauté universitaire dont il était l’une des prestigieuses figures pour avoir gravi tous les échelons durant son brillant parcours.
Homme de Droit
Le Saint-Louisien pur jus, fils de l’illustre notable des années 1920, Massourang Sourang, Moustapha Sourang est un juriste rompu à la tâche. Il a obtenu une Maîtrise en droit public, en 1974, à l’université de Dakar avant de poursuivre ses études en sciences juridiques et politiques à l’université de Bordeaux (France) où il décroche successivement un Dea en droit public en 1975, un Des en sciences politiques en 1976 et un doctorat en droit public quatre ans après (1980). Il a soutenu avec brio une thèse sur « La technique contractuelle dans les rapports États-entreprises étrangères : contribution à l’étude des conventions d’établissement conclues par les États africains ».
Enseignant à l’université de Dakar de retour de son périple français, il obtient son agrégation en Droit (Cames), en 1982, et devient doyen de la faculté des sciences juridiques et politique de l’Ucad, en 1984. Un poste qu’il occupera pendant quatorze ans, jusqu’à sa nomination comme recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar en 1998.
Son commerce facile et son sens élevé de la conciliation lui ont permis d’instaurer un climat apaisé dans une université longtemps minée par des crises à répétition.
Plus de 7 ans à l’éducation nationale
« C’était un grand universitaire qui a eu tous les grades de l’université. Un recteur qui avait des amitiés avec les syndicalistes. Il était très ouvert. Il y a eu beaucoup d’acquis sous sa gestion », témoigne l’ancien ministre Kalidou Diallo, syndicaliste à l’époque. Ce dernier retient de lui «un homme de paix. Un homme ouvert toujours souriant avec beaucoup d’humilité ».
Pisté par le leader de la première alternance politique, Me Abdoulaye Wade, Moustapha Sourang quitte le rectorat de l’Ucad, en mai 2001, pour entrer dans le gouvernement tout en restant dans son giron. En effet, le choix de lui confier l’Education nationale n’était pas fortuit eu égard à son balèze background. Sa parfaite maîtrise du système éducatif sénégalais l’a maintenu à ce poste ministériel pendant plus de 7 ans (2001-2008). Ce, malgré les nombreuses perturbations notées sous son ère.
Un combat acharné pour le respect du quantum horaire
Toutefois, s’expliquait-il à décharge en juillet 2007 : « les plateformes revendicatives n’ont jamais porté sur des problèmes de manuels ou de matériels. Toujours, les questions financières polluent les débats ». Jusqu’à son départ du département, remplacé par Kalidou Diallo, Moustapha Sourang s’est toujours battu, en vain, pour le respect du quantum horaire fortement impacté par les nombreuses crises. Quitter son domaine de prédilection (le 1er octobre 2009) dans ces circonstances de crises profondes, cela laisse bien évidemment un goût de cendre dans la bouche.
Malgré cette tâche noire, son successeur, Kalidou Diallo, loue le travail qu’il a abattu dans le secteur. « Quand je l’ai remplacé, j’ai suivi son œuvre parce qu’il avait beaucoup travaillé. Au niveau des infrastructures, au niveau de l’élargissement de la carte universitaire et scolaire. Mais également au niveau de l’amélioration des conditions d’études », confie-t-il.
Chantre de l’indépendance de la justice
Succédant à Me Madické Niang à la tête du ministère de la Justice, Pr Sourang fait de l’indépendance tant réclamée de la justice un sacerdoce. Dès sa passation de service, il décline son engagement en ce sens.
« La justice, c’est une richesse d’un pays. Elle est aussi importante que tous les secteurs économiques. Vous ne pouvez pas avoir le climat des affaires et la sécurité des transactions juridiques si vous n’avez pas une bonne justice prévisible et indépendante. C’est la raison pour laquelle le chef de l’Etat compte beaucoup sur l’expertise de la magistrature », indiquait-il.
«À l’exception notable du professeur Moustapha Sourang, j’ai toujours eu de grandes difficultés…»
Là aussi, sa gestion était louée par ses collaborateurs dont l’ancien procureur de la République, Ousmane Diagne, longtemps étiqueté rebelle. Débarqué du parquet en 2013, soldant ses comptes dans son discours d’adieu aux allures de dernier réquisitoire lors de sa passation de service avec Serigne Bassirou Guèye, Moustapha Sourang est le seul ministre à qui Ousmane Diagne a rendu un hommage.
« J’ai travaillé avec plusieurs Gardes des Sceaux et, à l’exception notable du professeur Moustapha Sourang à qui je rends hommage, j’ai toujours eu de grandes difficultés à certains moments. Mais je rends grâce à Dieu d’avoir exaucé mon vœu le plus cher au moment d’entrer en fonction comme procureur de la République près le tribunal hors classe de Dakar qui était de pouvoir sortir la tête haute, sans devoir baisser les yeux devant qui que ce soit », soutenait Ousmane Diagne.
Cnrf, un goût d’inachevé
Il quittera le département de la Justice au bout de deux ans (2009-2011) pour remplacer Bécaye Diop au ministère des Forces armées, le 4 décembre 2011 jusqu’à la chute du régime libéral, le 25 mars 2012. Il reviendra ‘’aux affaires’’ en janvier 2014, quand il a été nommé président de la Commission nationale de la réforme foncière (Cnrf) en remplacement à Me Doudou Ndoye qui a jeté l’éponge après avoir fait part de quelques griefs.
Mais les travaux de longue haleine qu’il a menés dans cette commission qui ont abouti à la présentation de 19 recommandations, ont été rangés dans les lugubres tiroirs de la présidence de la République. Macky Sall qui avait commandité cette étude, ne voulait plus en entendre parler. Sa dernière mission dans l’Etat lui laisse ainsi un goût d’inachevé. Toutefois, cela n’entache en rien son parcours élogieux.
Ce discret descendant de Serigne Touba part avec les honneurs aussi bien au niveau national qu’international. En effet, il a reçu les titres honorifiques suivants: Commandeur de l’ordre national du mérite (Sénégal), Grand officier de l’ordre national du mérite (France), officier des Palmes académiques (France) et officier de l’ordre national du mérite (Burkina Faso).
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