Décret élargissant les bénéficiaires du passeport diplomatique : 1000 anciens dignitaires du régime de Diouf à Macky concernés

Les décrets de nomination de magistrats pris lors du dernier conseil supérieur de la magistrature n’ont pas encore fini de parler d’eux et cela malgré leur abrogation par le chef de l’Etat. Voilà qu’une nouvel- le polémique s’invite dans l’actualité avec le décret n°2024-843 que son prédécesseur a pris le 28 mars dernier pour élargir les personnes devant disposer d’un passeport diplomatique à d’anciens ministres. senepolitique ouvre le sésame qui a souvent fait polémique.

Les derniers jours de Macky Sall comme chef de l’Etat ont-ils été utilisés pour créer des difficultés à son successeur ? Tout porte à le croire. Et, pour cause, alors que les observateurs n’avaient pas fini d’épiloguer sur le décret pris lors de la réunion du Conseil supérieur de la magistrature du 29 mars, voilà que l’on découvre que l’ancien président de la République avait pris un nouveau décret relatif à l’octroi des passeports diplomatiques. Une affaire révélée dans la foulée de l’indignation du député de Benno bokk yaakaar contre le retrait du passeport diplomatique d’un ministre de Macky Sall en partance pour l’extérieur. Ce décret n° 2024- 843 vient remplacer l’article premier du Décret n°90-934 du 27 août 1990. Il introduit plusieurs nouvelles catégories parmi les bénéficiaires potentiels de passeports diplomatiques que sont «les ambassadeurs émérites, les ambassadeurs à la retraite, les députés de l’Assemblée nationale, étendant les droits précédemment limités aux membres du bureau de l’Assemblée et à leurs conjoints, les officiers généraux et leurs conjoints, les anciens chefs d’État, chefs de gouvernement, ministres, et secrétaires d’État, ainsi que leurs conjoints». Ce décret a modifié les dispositions antérieures concernant l’attribution de ces documents, étendant ainsi les privilèges à diverses catégories de personnalités et leurs conjoints. Pour le moment, des mesures fermes de restriction de ces documents de voyage sont prises. Environ 1000 personnes (ministres, ambassadeurs, députés, conjoints, enfants) des régimes de Diouf, Wade et Macky Sall devraient bénéficier de ce privilège du passeport diplomatique. Sauf si le président Faye abroge le décret comme il l’a fait avec les nominations de magistrats.

Rationalisation des passeports diplomatiques : Les contradictions de Macky Sall à l’épreuve du pouvoir

Quand il prenait fonction en 2012, il avait prôné et procédé à la rationalisation. Macky Sall avait fait retirer les passeports diplomatiques de dignitaires religieux et d’autres politiques. Même les véhicules octroyés aux chefs de village n’avaient pas trouvé grâce auprès du chef de l’Etat. Des ministres avaient été traqués et leurs véhicules arrachés par la gendarmerie à qui ordre avait été donné de les confisquer. A l’épreuve du pou- voir, certains se sont vu remettre le sésame. Puis, en 2019, le président Macky Sall avait demandé en 2019 à son ministre des affaires étrangères d’alors, Amadou Ba, de «redonner un peu de crédibilité à ces titres de voyage». Des instructions qui faisaient suite à l’éclatement de l’affaire du trafic de passeports diplomatiques. Cette situation avait poussé certains pays européens comme l’Italie à envisager d’imposer un visa aux détenteurs de ces documents à cause de leur profil suspect parfois, puisque des commerçantes, des animateurs, des élèves, des tailleurs, entre autres en auraient bénéficié. Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur d’alors, Aly Ngouille Ndiaye, avait, d’après L’Observateur, «remis à la police des airs et des frontières une liste de 100 personnes détentrices de passeports diplomatiques à retirer dont un magistrat, des enfants de ministres et des marabouts». D’ailleurs, les passeports diplomatiques d’un célèbre avocat et d’un chef religieux ont été confisqués par la police à l’Aibd. Quand il quittait ses fonctions, le Président Sall a choisi de «gâter» ses futurs anciens ministres en les ajoutant sur la liste des bénéficiaires du passeport diplomatique. Son successeur, Bassirou Diomaye Faye saura-t-il résister aux lobbies ?

Passeport diplomatique : Source de polémique en 2021

L’ancien ministre délégué au Budget, Mamadou Abdoulaye Sow, dans une contribution publiée sur Seneplus en octobre 2021, avait décortiqué l’historique du passeport diplomatique. «Peuvent également obtenir le passeport diplomatique, les anciens chefs d’État, les anciens chefs de gouverne- ment et les anciens ministres des Affaires étrangères qui en font la demande,  sur la décision du chef de l’État, après avis du ministre chargé des Affaires étrangères», avait-il expliqué. A l’époque, il en déduisait que «le président de République ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire dans la délivrance du passeport diplomatique», soulignant que «son intervention n’est prévue qu’à l’article12 pour un passeport demandé par un ancien chef d’État, un ancien chef de gouvernement et un ancien ministre des Affaires étrangères dont la délivrance est soumise à une décision du chef de l’État, après avis du ministre chargé des Affaires étrangères et à l’article 24 pour la délivrance aux anciens membres du gouvernement d’un passeport de service «carnet», après avis du ministre chargé des Affaires étrangères». M. Sow ajoutait : «Si on s’en tient à la lettre de l’article 12 du décret de 1978, modifié, ne peuvent pas prétendre à un passeport diplomatique : les membres de la famille du chef de l’État ou du président de l’Assemblée nationale (en dehors de leurs épouses et enfants), les conseillers du président de la République, les anciens membres du gouvernement, les secrétaires généraux des ministères (hors ministère des Affaires étrangères), les membres des cabinets ministériels (directeurs de cabinet à l’exception du directeur de cabinet du ministère des Affaires étrangères, chefs de cabinet et attachés de cabinet), les Directeurs généraux, les chefs religieux, les marabouts, les chefs de partis politiques et, de manière générale, toute autorité et tout fonctionnaire ou magistrat non cités à l’article 12.»

Les politiques et le sésame : Quand Wade et Niasse s’accusaient de trafic de passeports

En 2007, lors d’une conférence de presse, le président Wade accusait son ancien Premier ministre Moustapha Niasse de trafic de passeports diplomatiques. « En sa qualité de ministre des Affaires étrangères, il avait ouvert un bureau consulaire à Hong Kong pour vendre des passeports aux Chinois. Un jour, les Français se sont réveillés et ont trouvé le cadavre d’une Chinoise dans la Seine qui avait par- devers elle un passeport diplomatique sénégalais.

Moustapha Niasse vendait des passeports à des Chinois qui voulaient se rendre aux Etats-Unis ou ailleurs. Il l’a reconnu ! Il n’a pas reversé l’argent au Trésor public. Je lui demande seulement de rapporter la preuve. Et quand on lui demande cela, il dit qu’aux Etats-Unis on vend des passeports». Le leader de l’Alliance des forces de progrès avait répliqué, accusant le Président Wade d’avoir vendu à 25 membres de la famille de Jonas Savimbi des passeports diplomatiques.

Les commentaires sont fermés.